Université de tricotage
Par David Monniaux le jeudi, août 7 2014, 01:44 - Enseignement - Lien permanent
En France, nous sommes habitués à des établissements d'enseignement supérieur mixtes (même les écoles militaires le sont depuis un certain temps déjà). C'est donc avec une certaine surprise que j'ai constaté à Séoul la présence d'universités féminines. (Enfin, je ne suis qu'à moitié surpris, vu ce que je savais de la société coréenne.)
Mieux, le campus de l'Université Hanyang comprend aussi les bâtiments de l'Université féminine Hanyang, comme s'il s'agissait d'un « département » de l'université comme les autres. Faut-il comprendre que si l'on est une femme, on ne peut rentrer à l'Université Hanyang « normale », ou celle-ci est-elle mixte mais pas l'autre ? Il faut dire que les programmes proposés à l'Université féminine, à l'exception d'un peu d'informatique, sont dans des rôles féminins traditionnels : tricotage, interprétariat, tourisme, arts plastiques, éducation des enfants, décoration…
Ceci permet sans doute d'éclairer certaines questions de collègues coréens : ainsi, à un chercheur mentionnant qu'il a un enfant, « est-ce que votre femme travaille ? ». La réponse « oui, elle est professeur d'université » a dû un peu surprendre. De même, une collègue coréenne, travaillant dans l'industrie après son doctorat, son mariage et son premier enfant, m'avait laissé entendre que c'était inhabituel et qu'heureusement que sa (belle-?)maman pouvait s'en occuper quand elle n'était pas là.
Je me rappelle d'une visite dans un laboratoire japonais entièrement masculin, sauf l'inévitable office lady, qui non seulement assure le secrétariat, mais fait la vaisselle (lorsque j'ai voulu laver ma tasse à thé, on m'a repris en m'expliquant « c'est le travail de l'office lady »).
Afin que mon article ne paraisse pas une critique des sociétés extrême-orientales, je voudrais mentionner que la Chine me semble avoir bien plus féminisé son personnel scientifique et technique (du moins hors instances dirigeantes). Par ailleurs, mon plus bel exemple de laboratoire masculin, je l'ai vu à Imperial College à Londres : je donnais un séminaire devant une salle bondée dans un département d'electrical engineering, où quelques femmes étaient présentes, mais venant il me semble du département de computer science voisin ! De fait, il ne semblait pas y avoir une seule femme parmi les doctorants, et il y avait même une blague salace sur un tableau (que j'ai heureusement oubliée). C'était caricatural.
Commentaires
Je me demande si le statut un peu plus égalitaire de la femme en Chine dans le milieu professionnel n'est pas lié au communisme ? J'observe un peu la même chose au Vietnam (d'où ma famille est originaire) où les femmes en général travaillent autant que les hommes, du moins de ce que j'ai pu observer. Idem pour les anciens pays du bloc de l'est où il y a quand même pas mal de femmes dans le milieu scientifique (il faudrait trouver les chiffres, mais là il est un peu tard donc j'ai la flemme). J'ai l'impression que le travail des femmes était valorisé dans les régimes communistes en général.
Après ce n'est pas sûr que les conditions de vie et le statut des femmes dans d'autres domaines ait été meilleurs qu'ailleurs. Surtout en Asie où les traditions restent très fortes, et où il est attendu des femmes qu'elles soient mariées avant 25 ans, s'occupent de la famille, soient discrètes et modestes, blablabla...
Je sais pas quand a eu lieu ton histoire à l'Imperial College, mais à une époque (2008-20-?) j'avais une ancienne binôme qui y était doctorante, en electrical engineering justement...
Tu connais peut-être mieux les universités féminines japonaises ?:
http://en.wikipedia.org/wiki/Japane...
Existe-t-il également, dans ces pays, des établissements réservés aux hommes ? Quel est l'intérêt supposé de la séparation par sexe ?
Bah... Augusta Klumpke, américaine, dut faire ses études de médecine à Paris, les Etats-Unis n'acceptant pas son inscription, ainsi que les autres facultés françaises... une des raisons pour limiter l'accès des femmes aux études de médecine était que les carabins aimaient les blagues salaces!
<contrib majeure>tricot, David, tricot. </contrib majeure>
@Sandrine: en Chine c'est surtout la contrainte de l'enfant unique qui a été déterminante....
La gagnante est Sandrine. D’après ce que j'ai vu en république tchèque / Serbie: en "communie" (TM), les femmes sont reconnues comme l’égale des hommes et DOIVENT contribuer a la société (ici, le sens de devoir est plutôt une obligation...). De plus la société est organisée pour qu'il y ait une creche dans chaque quartier pour tout les enfants, écoles, etc...
Le cote positif, c'est que lorsque la démocratie revient, les hommes sont déjà plus habitue a la notion de parité, la société a toute les infrastructures pour supporter une femme au travail, et les femmes ont vraiment un choix: pas travailler; travailler sans enfant, travailler avec enfant(s).
Je n'ai pas bien vu ce choix dans plusieurs pays (dont le Japon, mais aussi la Suisse) non-issue de la "communie" (TM).
NB: je suis pas pas pro-communiste, vu que le seul choix pour les femmes, c’était travailler pour la gloire du parti.
Il existe au moins une université féminine coréenne qui, pour des raisons spécifiques, jouit chez nous d'une certaine notoriété : http://www.perraultarchitecte.com/f...
J'ai fait la même observation que Sandrine en Chine. L'enfant unique joue peut-être un peu, dans la mesure où il permet aux grands parents de s'occuper pleinement de leurs petits enfants, pendant que les parents sont au travail - chose plus compliquée quand les petits enfants sont partagés entre plusieurs familles.
Concernant le Japon j'ai très bien connu quelqu'un qui y a vécu, et qui m'a dit que là bas, les femmes arrêtent en général de travailler quand elles sont mariées, ce qui explique que celles qui veulent faire carrière soient en général célibataires. Il y a quelques années le gouvernement avait envoyé une délégation en France pour essayer de comprendre les raisons du fort taux d'emploi des femmes ici.
Mais sans aller aussi loin, en Allemagne il est mal vu pour une mère d'avoir un emploi à plein temps, au-moins dans les Länder de l'ouest (je ne connais pas l'est)
La fusion d'Ulm et Sèvres, ce n'est pas si lointain, finalement. Et il se trouve des gens pour penser qu'elle n'a pas forcément été bénéfique à la mixité professionnelle dans les disciplines scientifiques, notamment en maths...
@mt-i: Oui, mais les mêmes disciplines étaient enseignées de chaque côté. C'est donc une situation différente de celle d'universités tournées vers des tâches « féminines » (art, santé, soins aux enfants, langues étrangères...) mais dépourvues de départements « masculins » comme les sciences exactes ou l'ingénierie.
En France, sait-on pourquoi les maisons d'éducation de la Légion d'honneur sont encore réservées aux filles ? (il s'agit à ma connaissance du seul établissement public qui ne soit pas mixte).
@mt-i: "'elle n'a pas forcément été bénéfique à la mixité professionnelle"
L'important est-il la qualité de la recherche mathématique (ou de toute autre activité professionnelle), ou bien le sexe (ou l'ethnie, ou le signe du zodiaque) des mathématiciens et mathématiciennes ?