Plus c'est gros, plus ça passe
Par David Monniaux le mardi, août 27 2013, 11:47 - Enseignement - Lien permanent
Mon camarade Jean-Paul Brighelli déplore dans Le Point : « Geneviève Fioraso : Marcel Proust au bûcher ! ». Son propos vient en deux temps : tout d'abord, il proteste, encore une fois, contre l'usage de l'anglais à l'université ; ensuite, il s'élève contre ce qu'il perçoit comme de l'hostilité envers les classes préparatoires de la part de la ministre de la recherche. Le lien entre ces deux indignations ? Mme Fioraso, pour des raisons idéologiques, serait hostile à la culture et à l'excellence.
Si j'en crois sa biographie sur Evene, Jean-Paul Brighelli aurait été militant d'extrême-gauche ; il est donc assez piquant qu'il déplore dans un hebdomadaire de droite le soi-disant parti-pris idéologique d'une ministre habituellement plus réputée pour son pragmatisme et ses contacts industriels que pour de grandes théories politiques. Il est vrai que nous ne manquons pas d'exemples de quadra- ou quinquagénaires qui, révolutionnaires dans leur jeunesse, à l'époque et dans des lieux où c'était à la mode, ont ensuite évolué vers des positions conservatrices voire réactionnaires ; Jean Ferrat les avait justement croqués il y avait une vingtaine d'années... Mais passons.
Je ne rentrerai pas dans la dispute au sujet des classes préparatoires, que d'ailleurs Jean-Paul Brighelli ne semble aborder que par rapport aux classes littéraires (hypokhâgne et khâgne), pourtant minoritaires. Il s'agit d'un problème complexe, mettant en jeu l'existence des grandes écoles sous leur forme actuelle, le fonctionnement des universités et notamment l'absence de sélection à leur entrée (le baccalauréat n'étant plus un filtre significatif), qu'il me semble difficile de trancher simplement. Lisons plutôt ce que mon camarade écrit sur l'anglais à l'université.
« Les étrangers qui viennent étudier chez nous veulent apprendre le français, la culture française, la séduction à la française - et les mots pour le dire. Pas pour avaler un succédané de ce qu'ils ont à la maison. Ils viennent pour la part d'excellence qui nous reste - pas pour se noyer dans le flux médiocre d'une pensée normalisée, mondialisée, un prêt-à-penser aussi insipide que le prêt-à-vomir de chez McDo. »
J'ai une certaine expérience des étudiants étrangers dans les domaines scientifiques, et je crois pouvoir affirmer que, pour la plupart d'entre eux, l'apprentissage du français et de la culture française (sans parler de la « séduction à la française ») n'est pas leur premier objectif (*) — même si, bien entendu, ils peuvent y prendre goût. Bien entendu, la situation est différente dans les disciplines littéraires, et on conçoit sans peine que celui qui vient étudier Proust en France entend l'étudier dans le texte et non via des traductions.
Il me semble, malheureusement, que mon camarade Brighelli emploie ici un procédé rhétorique quelque peu malhonnête, parfois appelé « technique de l'épouvantail » (sans doute une traduction de l'anglais straw man ?) : il déforme la réalité des propositions de ses adversaires politiques au point que celles-ci deviennent ridicules, puis fait remarquer ce ridicule. Ainsi, il indique, au sujet de Proust, que « [la] récente loi [de Mme Fioraso] sur les universités permet désormais (et recommande même) de l'enseigner en anglais - pardon, in english » (l'absence d'italiques et de majuscule à English dans le fragment de texte en anglais ne sont pas de mon fait). Or, cette loi se contente de permettre, dans des cas restreints, des enseignements en anglais (qui, de fait, existent depuis des années), et ne formule aucune recommandation. Chacun pourra le constater... en lisant le texte de la loi et notamment son article deux.
Remarquons le glissement de sens : alors qu'il s'agit de permettre une certaine forme d'enseignement, Jean-Paul Brighelli prétend que celle-ci serait recommandée, puis préconisée pour toute les disciplines (« Mais au moins, tout américanophile qu'il fût, il ne préconisait pas de traduire en globish - le nom nouveau du babélien que dénonçait jadis Etiemble - le roman de Madame de Lafayette. »). Sans avoir le moindre indice à l'appui de ses prétentions, il conclut que l'intention de la ministre est que l'on enseigne la littérature française en globish, ce dont il établit assez facilement le ridicule : pourquoi un chinois ou un coréen féru de littérature française viendrait-il en France suivre des cours de littérature française en mauvais anglais ?
Poursuivons. D'après Jean-Paul Brighelli, reprenant d'ailleurs une accusation naguère lancée contre les gouvernements de droite, le but caché de la ministre ne serait rien moins que l'abêtissement de la population et le nivellement de l'intelligence :
« Quand on prêche l'enseignement de l'ignorance, comme disait jadis si justement Jean-Claude Michéa, c'est que l'on a une idée derrière la tête - et cette idée, c'est que plus personne, à terme, ne décrypte Albertine disparue [..] »
Remarquons comment l'on est passé de l'autorisation de donner certains enseignements (par exemple de sciences) à une sorte de complot visant à enseigner l'ignorance afin que personne ne puisse plus comprendre Proust — ce qui devrait appeler justification. Remarquons également que mon camarade Brighelli n'explique nullement l'intérêt social de savoir « décrypter » ce roman de Proust. J'entends bien l'argument qu'une population inculte et ignorante est plus facile à manipuler politiquement, mais je ne vois pas très bien quel type de problème politique ou social voit sa compréhension facilitée par la lecture de Proust — alors que, par exemple, je vois très bien en quoi des bases de statistiques (y compris bayésiennes), de thermodynamique ou d'informatique permettent de mieux comprendre d'importants problèmes politiques actuels et d'acquérir une saine méfiance envers les charlatans qui s'expriment à leur sujet.
Jean-Paul Brighelli, toujours reprenant les arguments naguère adressés à Nicolas Sarkozy, ironise : Mme Fioraso ne serait-elle pas elle-même inculte (« En fait, que sait-elle ? ») ? Et que dire de ses conseillers : « Dois-je rappeler à la gauche que tant des siens furent par le passé de vrais intellectuels - et de bons élèves ? […] Mais d'où sortent les conseillers de Geneviève Fioraso ? Un seul d'entre eux est titulaire du CAPES, aucun apparemment n'a fréquenté l'agrégation. ».
Rappelons que Mme Fioraso est ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et que le CAPES et l'agrégation sont des concours de recrutement de l'enseignement secondaire, qui n'est pas sous sa tutelle. Lisons la liste des membres de son cabinet : son directeur de cabinet est docteur en biologie, ancien directeur de laboratoire de recherche, ancien président d'université (d'après l'annuaire du CNRS, il est professeur des universités – praticien hospitalier de classe exceptionnelle, soit le grade le plus élevé accessible seulement à 10% de ces personnels) ; Daniel Filatre, certes titulaire du CAPES, a été président d'université ; Anne Bisagni est docteur en médecine et titulaire d'un DEA d'immunologie ; Jacques Fontanille a un doctorat d'État et a été président d'université (ce qui laisse soupçonner qu'il était professeur des universités) ; Bruno Sportisse est ancien élève de l'École polytechnique et docteur en mathématiques appliquées.
Je ne voudrais pas moi même sembler m'attaquer à un épouvantail, mais on a l'impression, en lisant ce paragraphe, que mon camarade Brighelli considère que le CAPES ou l'agrégation valent ticket d'entrée pour le monde intellectuel, mais pas un doctorat, le recrutement comme professeur des universités ou l'avancement aux grades scientifiques les plus élevés. Or, l'agrégation (ou, pire, le CAPES) est un concours de recrutement très « scolaire », dont la réussite ne nécessite pas d'originalité intellectuelle, au moins dans bon nombre de disciplines. Par ailleurs, suivant les disciplines et les époques, le niveau scolaire nécessaire pour réussir ces concours (et notamment le CAPES) a été fort variable, de sorte que, sans plus d'informations, la réussite à ceux-ci ne dénote pas nécessairement une quelconque excellence.
« Plus c'est gros, plus ça passe. » Les commentaires sous l'article démontrent l'efficacité de la rhétorique sophiste de mon camarade : on déplore l'idée incongrue que l'on imposerait l'anglais pour étudier la littérature française, ou l'on répète que les étudiants étrangers (tous, en général) viennent chercher en France la littérature et la philosophie françaises (y compris, sans doute, les chinois qui viennent faire des thèses d'informatique). Le but est atteint.
(*) Cette phrase cache un euphémisme, voire une litote.
Commentaires
Les gens sont toujours les héros de leur propres histoires. Jean-Paul Brighelli oppose tout un tas de personnes qu'il considère médiocres (docteurs, universitaires, scientifiques échangeant leurs idées en anglais) à l'excellence et la grandeur de la France représentée par ... LUI.
S'il y a bien quelque chose que j'ai retenue de mes années à Louis-le-Grand c'est que nous avons un problème avec une partie des professeurs de classes préparatoires : ils répètent année après année les mêmes choses au point d'oublier tout ce qu'ils n'enseignent pas, et ils s'imaginent mériter l'onction divine car ils préparent les étudiants qui entrent à Ulm et à l'X.
"c'est que nous avons un problème avec une partie des professeurs de classes préparatoires : ils répètent année après année les mêmes choses au point d'oublier tout ce qu'ils n'enseignent pas"
Pour être tout à fait honnête, un certain nombre de chercheurs (y compris brillants) souffrent du même travers : à force de ne "vendre" que leur domaine de recherche, ils oublient que tout ne s'y ramène pas.
Remarquez, quand un chercheur brillant et médiatique dans son domaine se met à déblatérer sur d'autres domaines, ça peut être pire.
Mais bon, c'est un défaut humain. Ce qui m'agace plus, personnellement, c'est la malhonnêteté intellectuelle (et les procédés rhétoriques pour y arriver). Jean-Paul Brighelli est très certainement intelligent. Comment peut-il se regarder dans un miroir après avoir pondu ce genre de truc ? Je ne sais pas...
@Damien: Dans The Signal and the Noise, Nate Silver donne l'exemple de pundits (éditorialistes) de la télévision américaine, dont les prédictions sont indistinguables d'un tirage aléatoire en terme de correction — mais qui en revanche sont très corrélées aux parti-pris idéologiques qu'ils défendent. Autrement dit, ce qu'ils disent n'a aucun pouvoir informatif ; le téléspectateur les regarde pour le plaisir de la joute oratoire ou pour voir ses propres biais idéologiques défendus (c'est très humain de vouloir lire ou écouter des gens qui pensent comme soi).
Son explication de ce phénomène : pour apparaître à la télévision, à la radio etc. il faut tenir des propos tranchés ; des opinions nuancées ou bien fondées sont moins « vendeuses » en termes d'invitations et de tout ce qui s'ensuit (ventes d'ouvrages etc.). Autrement dit, le système médiatique et économique fournit des incitations à raconter des choses excessives sur ce que l'on ne connaît pas, et les acteurs agissent en fonction de ces incitations.
Il me semble d'ailleurs que je défends depuis longtemps sur ce blog l'idée que ce qui est présenté dans les médias comme de l'information ou du débat intellectuel est en bonne partie un spectacle !
Oui, il s'agit d'un spectacle dont les médias choisissent les acteurs, sans aucun soucis de sérieux ou d'objectivité.
Leur souci du sensationnalisme occupe déjà tous les neurones qu'ils ont à y consacrer.
@Natacha
Exact.
J'ai l'espoir que l'explosion future de la non-affaire Tapie soit un révélateur du niveau de désinformation systémique.
Déjà, l'explosion du modèle de transition énergétique allemand permet de mettre le nez des écolos dans leur ...
Pour ce qui est de l'anglais, pourquoi perdre son temps à argumenter avec des gens qui ne comprennent pas la différence entre une langue véhicule d'une culture et une langue "outil pour se comprendre"? Autant uriner dans une contrebasse.
Pour ce qui est des prépa, certains s'excitent encore pour pas grand chose. 500€ par an? Vu le salaire moyen et médian (désolé d'employer des gros mots pour ces gens des Belles Lettres) des gens à la sortie de ce système, quel banquier ne prêterait pas cette somme??
Ca vous fait vomir? Pourtant les études sont un investissement. Investissement culturel certes mais aussi financier car, à moins d'hériter d'un bel appart dans le 5 6 7 et d'un siège à vie au Flore ou au Procope, il faut bien exercer un métier.
Na ja...wtf que tout ça :)
@xavier: Mon camarade Brighelli parle visiblement des prépas littéraires, dont le principal débouché immédiat est... l'université en L3 et le principal débouché professionnel final, sauf erreur de ma part, l'enseignement secondaire. Ces prépas servent donc de dérivation pour éviter le L1/L2 universitaire normal (sans sélection à l'entrée etc.).
Je serais donc plus prudent que toi à propos des salaires médian etc. ; des études de lettres, cela veut dire, souvent, passer le CAPES voire l'agreg en n'étant largement pas sûr de les réussir, sachant qu'il ne s'agit pas d'emplois bien payés (sauf cas particulier type agrégé en prépa).
@David : ok dans ce cas mon argu reste le même mais il faut lire "la proba d'avoir un retour sur investissement positif". Je pense qu'à 500€ par an en prépa, l'espérance de ce jeu est très très positive.
"l'espérance de ce jeu est très très positive."
En fait, il faut savoir ce qu'on cherche. Si on veut faire des études de lettres, l'alternative à la prépa est la fac, qui demande exactement ces droits d'inscription (je note d'ailleurs que Brighelli parle de "minimum 460 euros si on prend en compte la sécurité sociale étudiante" ; j'ignorais que les étudiants de prépa étaient jusqu'alors exemptés de la sécu et si c'est le cas (j'en doute) j'aimerais bien comprendre au nom de quoi). Si la prépa reste une meilleure formation que la fac, son intérêt est toujours positif.
Après, si les étudiants de prépa littéraires (et plus généralement de beaucoup d'autres formations) choisissaient leurs études en fonction d'une espérance uniquement centrée sur des gains monétaires, ça se saurait...
@xavier : (petit divertissement probabiliste) le jeu qui consiste à gagner A=10^20 euros avec une probabilité p=10^(-5) et à perdre B=10^5 euros avec une probabilité 1-p a une espérance très positive aussi : A*p-B*(1-p)=999999999900001 (euros). Pourtant, qui voudrait y jouer ?
PB : je ne vois pas le rapport à le reste du topic. Tu prends un exemple marginal alors que le banquier dont je parlais ne prend aucun risque pour sa survie en jouant à ce jeu. Aucun.
"Après, si les étudiants de prépa littéraires (et plus généralement de beaucoup d'autres formations) choisissaient leurs études en fonction d'une espérance uniquement centrée sur des gains monétaires, ça se saurait..."
Je ne dis pas qu'ils le font. Ce serait stupide. Je dis que, dans bien de pays, personne ne s'étonne qu'on demande 500€ par an pour faire ce genre d'études. En france, certains trouve choquant qu'on fasse le rapprochement entre "espérance de gain" et "études". C'est bien gentil mais dans la majorité des cas, on ne peut former les gens QUE pour la beauté de l'art.
Pauvre Brighelli, il était plus pertinent quand il parlait de l'enseignement secondaire, qu'il connaît de première main.
Je voudrais juste revenir sur deux petites choses :
1- Certes, l'agrégation est théoriquement un concours de recrutement pour le secondaire, mais en pratique, il y a, je crois, pas mal d'agrégés qui enseignent dans le supérieur.
2- La séparation entre ministère de l'enseignement supérieur et ministère de l'éducation nationale a peut-être certains avantages, mais elle me paraît critiquable en elle-même.
C'est une des innombrables innovations douteuses du quinquennat précédent que le lamentable gouvernement actuel a choisi de perpétuer : L'enseignement en deça et au delà du bac sont intimement liés, d'autant plus que le bac ne représente plus grand'chose, et d'autant plus que la France connaît plein de situations hybrides. (L'exemple le plus évident étant les classes préparatoires. )
Typhon
@Xavier
"Je ne dis pas qu'ils le font."
Et je ne dis pas que vous le prétendez. Mon point était de dire que le gain professionnel espéré des études n'est pas que financier, mais porte aussi sur l'intérêt du travail que l'on aura. Et si des étudiants choisissent (volontairement, pas faute de mieux) des études littéraires, c'est aussi parce qu'ils estiment pouvoir y trouver des métiers qui les intéressent, et ça peut bien valoir 500 euros. (ce qui ne veut pas dire que la rémunération n'a aucune importance, mais ce n'est pas tout)
En fait, je pense que nous sommes plutôt d'accord.
@Typhon
"mais en pratique, il y a, je crois, pas mal d'agrégés qui enseignent dans le supérieur."
Question difficile. Si on se limite aux établissements d'enseignement supérieur (donc on exclut les CPGE et les STS), il y a ~13000 agrégés enseignant dans le supérieur, soit (sauf erreur) un peu moins d'un quart des agrégés. Encore faudrait-il voir parmi ceux-là le nombre qui a ou qui est en train de passer une thèse.
Pour ce qui est de l'enseignement dans les BTS et CPGE, je ne trouve aucun chiffre, mais comme un agrégé peut avoir un service mixte...
Mais en fait le débat n'est pas là. Il est clair que pour certains (littéraires et/ou enseignants en CPGE en particulier), l'agrégation, _concours_ national le plus élevé, a plus de valeur que le doctorat, _examen_ local sujet à toutes les compromissions. On a retrouvé cette même défiance du doctorat dans le débat sur la qualification. Peu importe, dès lors, la finalité de ces exercices, seule la "valeur" compte.
"L'enseignement en deça et au delà du bac sont intimement liés"
En même temps, on pourrait se demander pourquoi il faudrait une barre intangible entre les deux. Il y a des formations professionnelles et des formations théoriques pré-bac, il y a des formations professionnelles et des formations théoriques post-bac. Pourquoi faudrait-il une rupture franche ? (sauf à faire le lycée unique).
La vraie rupture ne viendrait-elle pas surtout du fait que le bac se passe en gros à 18 ans ?
@Damien
A la relecture, je ne sais pas trop pourquoi j'ai tenu à critiquer certains profs de prépa alors que comme tu le notes, ce comportement ne leur est pas unique.
En revanche je retiens les remarques de toi et de David qui signalent que lorsque l'on
le discours que l'on tient est souvent exagéré- dans les articles scientifiques qu'on reçoit pour relecture, la section des contributions est souvent un peu enflée, et les applications potentielles un peu exagérées
- dans les commentaires des blogs, on en fait parfois un peu trop pour faire passer une idée
Mais nous considérons tous cela comme les règles du genre... je n'ai jamais répondu dans une revue
.Du coup je me demande bien pourquoi on trouverait honteux chez Brighelli un procédé que nous utilisons nous mêmes, certes à moindre échelle ?
Et je crois que la mauvaise foi n'explique pas tout... nous savons bien que les contributions que nous clamons dans un article ne sont pas aussi importantes que nous le prétendons, nous passons parfois sous silence des contributions d'autres personnes, nous minimisons les apports indirects (de nos professeurs, des collègues avec lesquels on discute à la machine à café), etc.
@Couard Anonyme: Il me semble qu'il y a des différences importantes entre un article scientifique, d'une part, et un billet comme celui de mon camarade Brighelli, d'autre part :
@Couard anonyme
Mouais, il me semble qu'un article de recherche et un article d'opinions ne sont pas vraiment comparables.
Et, pour les articles de recherche, si se survendre un peu est admissible (dans une certaine mesure, après tout le chercheur n'a souvent qu'une idée imprécise de l'ampleur de sa propre recherche) (et sans truquer les résultats expérimentaux, SVP), négliger volontairement la contribution d'autrui (je ne parle pas de discussion de machine à café ici) est malhonnête et honteux. Ce n'est pas une question d'échelle.
@Damien : vi on est d'accord :)
@ Damien
Je crois que tu te fais des illusions sur l'honnêteté des scientifiques.
Il m'arrive d'exiger dans mes revues que certaines contributions d'autres auteurs soient mentionnées dans le papier car je considère que les passer sous silence biaiserait de trop la présentation de l'état de l'art en faveur de l'auteur. Il m'arrive aussi de voir des revues où un relecteur a exigé que tous ses papiers soient cités sous prétexte qu'ils ont un vague rapport avec le sujet.
En termes de citation, il n'y a pas de bassesse trop basse en sciences, étant donné que c'est le gagne pain de chacun.
Nous devrions avoir une politique d'interdiction de self-citations à la fois pour les auteurs et les relecteurs. Mais même cela n'empêcherait pas les petits arrangements. Accessoirement, je suis aussi favorable au fait que le nom des relecteurs apparaisse dans le papier publié.
Je reprend un passage de Couard Anonyme :
"nous savons bien que les contributions que nous clamons dans un article ne sont pas aussi importantes que nous le prétendons,"
J'essaye personnellement d'être honnête. Il suffit a priori d'être factuel (historique et nouveautés). Non ? Employez-vous des termes tels que "important" pour décrire vos recherches dans vos articles ?
"nous passons parfois sous silence des contributions d'autres personnes"
Pas si elles sont fortement reliées au sujet en question tout de même !?
Est-ce simplement une différence de cultures entre différentes disciplines (je suis mathématicien) ?
@Couard anonyme
"Je crois que tu te fais des illusions sur l'honnêteté des scientifiques."
Possible. Je sais en tout cas que j'essaie d'être honnête, mais je ne me considère pas comme un exemple (que ce soit au sens de "modèle à imiter" ou au sens de "cas typique") de chercheur.
Parmi les chercheurs que je connais personnellement, je pense que certains essayent également d'être honnêtes. Pour d'autres, je ne sais pas (ou je préfère ne pas savoir ?).
@a
"Il suffit a priori d'être factuel (historique et nouveautés). Non ?"
Pas tout à fait, parce que "nouveau" ne veut pas toujours dire "intéressant". Et bien souvent, le recul manque pour juger de l'"intérêt" (c'est-à-dire, de l'implication à venir dans la recherche des autres) d'une contribution.
Il est assez courant, surtout dans le "perspectives" d'un papier, de suggérer que les travaux en cours sont un premier pas vers le décrochage de la lune. Tant que ça reste dans les perspectives, ça n'engage pas beaucoup. C'est plus gênant si ça déborde ailleurs sans justification.
"Pas si elles sont fortement reliées au sujet en question tout de même !?"
Dans mon micro-domaine, il m'arrive de temps en temps de ne pas être cité dans des papiers basés sur mes travaux (que les auteurs connaissent manifestement), et quand je reviewe des papiers il est très rare que la biblio soit parfaitement honnête et elle est régulièrement bourrée d'autocitations.
Le truc classique, c'est le groupe qui dans son premier papier sur un sujet cite les travaux précédents importants, et qui dans tous les suivants cite uniquement son propre papier (ça c'est du vécu pas plus tard que cette semaine, une biblio ou les auteurs citent un de leur papier... basés sur mes travaux publiés trois ans avant le leur et qu'ils citaient la première fois).
L’honnêteté en science j'y crois encore parce que je pense être honnête et que j'espère ne pas être le seul, mais c'est un état d'esprit je pense minoritaire. La faute aux évaluations bibliométriques débiles.
Je ne connais pas le milieu de la recherche, mais si être « honnête » consiste à respecter les règles, et que les règles permettent le trafic de citations, alors jusqu'ici tout le monde est « honnête ». Ce qui se joue chez Brighelli est beaucoup plus grossier, il fait dire à une loi ce qu'elle ne dit pas, et préjuge à sens unique de l'usage qu'en auront ses collègues universitaires. On est plutôt dans la falsification des résultats, et la prophétie de parti pris. Rien n'est trop minable pour avoir sa photo dans le journal...
"Rien n'est trop minable"
"minable", c'est le mot que je cherchais pour qualifier cette polémique.
Merci de m'avoir aidé à qualifier mon impression.
Brighelli se plaît à ferrailler. C'est son péché mignon: d'Artagnan sur le retour ou don Quichotte des salles de profs, il a besoin de l'exagération et du grossissement épique pour donner sa pleine mesure. Question de style.
Eh bien oui, cela dérange, cela démange, cela grattouille, c'est quelque chose entre Knock, la gale et les morpions. Cela ne veut pas dire que, malgré ses excès, il ne dénonce pas une réalité, à savoir que le niveau des élèves et des étudiants baisse de manière régulière et que les ministres qui passent, de droite comme de gauche, en ont pris leur parti, l'objectif étant de donner satisfaction à des parents-électeurs qui attendent que leur progéniture, fût-elle incompétente, fainéante et bécassine, se voit octroyer des titres et diplômes.
Taux de réussite du bac général 2013: 86,6%
Taux d'illettrisme des jeunes de 15 ans, 2010: 19,8%...
@Régis: Tout ceci est peut-être vrai, mais n'a aucun rapport avec l'anglais à l'université ou un supposé complot visant à abêtir la population en la rendant incapable de comprendre Albertine Disparue.
"cela dérange, cela démange, cela grattouille, c'est quelque chose entre Knock, la gale et les morpions."
Moi ça me donne la nausée. Libre à vous de voir cela comme une démangeaison.
"malgré ses excès, il ne dénonce pas une réalité, à savoir que le niveau des élèves et des étudiants baisse de manière régulière"
Merci pour le procédé rhétorique : "il raconte n'importe quoi, mais c'est pour dénoncer de vrais problèmes" (nul doute donc que si vous dénoncez ses malhonnêtetés, c'est donc soit que vous refusez de voir ces "vrais problèmes", soit que vous vous en accommodez ou, soyons fou, que vous les encouragez).
De toute façon, le meilleur moyen pour voir les problèmes rester, c'est de les dénoncer avec excès, n'importe comment, en pointant des responsables et des causes sans liens, en y ajoutant une bonne dose de complot et en déformant la réalité et le sens des mots pour leur faire dire n'importe quoi.
Je ne sais pas ce que veut Brighelli, mais si son but est réellement de lutter contre la baisse de niveau, alors je suis convaincu qu'il s'y prend de façon contre-productive. Comme je pense qu'il est intelligent, j'en déduis que son but n'est pas là, juste de briller et de déverser sa bile sur ce qu'il n'aime pas ! C'est son "péché mignon", tant mieux pour lui. Mais les circonstances atténuantes du genre "c'est pour la bonne cause", non, je ne vois pas comment ce genre d'article sert la cause.
"Taux de réussite du bac général 2013: 86,6%
Taux d'illettrisme des jeunes de 15 ans, 2010: 19,8%..."
(sigh...) Faut-il rappeler que vous mettez en relations deux nombres qui n'ont rien à voir (d'un côté, un taux sur les candidats au bac, de l'autre un taux sur une classe d'âge) ? Ou alors présenter des arguments corrects est-il aussi mauvais pour "la cause" ?
Je crois qu'il y a chez Brighelli un peu un air de
qui fait simplement écho à la perte d'influence des élites littéraires. Par exemple ce passage : quel intérêt a le pays à ce que ses hommes politiques soient capables d'écrire des essais littéraires ? Moi je préfèrerais largement qu'ils cessent d'être des incompétents en économie afin qu'ils cessent de prendre des décisions économiques ineptes.Dans toutes les discussions (anglais à l'université, réforme des agrégations, etc) nous avons droit aux pamphlets des littéraires désormais ultra-minoritaires mais qui s'arrangent pour faire tellement de bruit dans les médias que vu de l'extérieur on a l'impression que leur avis est partagé par le
uni derrière eux.