Téléphonite
Par David Monniaux le mardi, mai 14 2013, 08:06 - Société - Lien permanent
Je suis parfois surpris de l'insistance avec laquelle certains interlocuteurs se servent du téléphone et non du courrier électronique.
Exemple : une pièce manque dans un dossier. Coup de téléphone sur portable pendant le « pont », nous sommes hors de portée GSM ; demande de les rappeler, ne précise pas la pièce manquante. Le lundi, leurs services sont indisponibles avant 9h30. Finalement, nous disent la pièce manquante et nous dictent une adresse email pour la renvoyer. Il manque un s dans l'adresse indiquée, ce qui fait que le mail part vers un autre site (un de ces sites de « parking » qui occupent des variantes orthographiques de sites existants), qui ne fait pas tourner de système de courriel. Plusieurs heures après, je reçois un courriel d'avertissement de notre système de mail disant que le message n'est pas parti.
J'ignore pourquoi la société en question n'a pas envoyé un courriel en plus du coup de téléphone, et pourquoi ils demandent de les rappeler au lieu d'indiquer tout simplement qu'il manque tel document. Je veux bien qu'un courriel puisse être ignoré et qu'ils veulent confirmation qu'on ait reçu l'information, mais il est parfaitement niais de dicter une adresse email par oral. Par ailleurs, un téléphone portable peut être éteint, on peut être en dehors des zones GSM, ou à l'étranger...
Ceci dit, cela n'atteint pas le niveau de cette dame qui tenait absolument à m'avoir au téléphone pour ne pas « laisser de trace écrite », et qui finalement m'a dit ne pas avoir de réponse à ma question. Ou de ma banque qui ne comprend pas que je n'ai aucune envie qu'ils me démarchent sur mon portable (aux heures de bureau, je travaille ou je suis dans les transports et je n'ai donc aucune envie qu'on vienne me raconter des histoires d'assurance-vie... quel zozo du marketing a eu cette idée que les clients veulent qu'on les dérange ?).
La téléphonite, cette maladie du monde moderne, a encore de beaux jours devant elle.
Commentaires
Comme je partage ton avis…
Je ne réponds plus au téléphone car la plupart des appels n'ont aucun intérêt…
Une fois, mon banquier de l'époque qui n'arrivait pas à me joindre sur mon téléphone personnel (et pour cause !) a téléphoné à mes parents pour savoir comment me contacter ; je lui ai donc envoyé un email lui indiquant qu'il pouvait me contacter par ce moyen. Son premier (et unique) message ? « Pouvez-vous me rappeler au <numéro> ? ». Nos « échanges » se sont arrêtés là…
Il m'est arrivé plusieurs fois de me chercher sérieusement un moyen de me détruire les cordes vocales sans trop de dangers collatéraux. Échapper à la téléphonite faisait partie des motivations majoritaires, avec la sérénité et l'efficacité des échanges écrits sur les échanges oraux.
Cette téléphonite n'est qu'un indicateur de la "rapidité" d'évolution des mentalités en France. Après de nombreuses années passées à l'étranger, j'ai eu la surprise de découvrir que le FAX reste un outil adoré des entreprises française ; on dirait qu'elles se shootent à ça. Essayez donc de passer commande par email pour voir.
@EC Patrouveur: Entre ça et le « RIB original »... Une fois un service m'a demandé de lui transmettre un document par fax et non par scan dans mail (pourtant de qualité supérieure), sans doute parce que cela fait plus « sérieux » ?
Je ne suis pas d'accord... peut-être que je rentre dans ta catégorie d'importuns, mais je remarque que chez moi, avec des administratifs voire des collègues, il y a parfois des situations qui durent plusieurs jours et un bon nombre de mails (parce que les mails sont mal écrits et/ou que les questions/réponses sont incomplètes, par exemple) alors qu'ils pourraient être réglés avec un coup de fil de 45 secondes.
Je trouve que la mailite est aussi parfois une maladie (équivalent avec le téléphone: s'envoyer 10 textos quand 2 phrases de vive voix seraient beaucoup plus simples).
Pourquoi on vous dérange sur votre mobile? Parce que ça marche, pardi! Le marketing a assimilé les leçons des neurosciences: la répétition porte ses fruits. Le procédé à beau être gros comme une maison, un jour, à force de vous entendre dire par une télé travailleuse que ce serait merveilleux que vous souscriviez à une assurance-vie, y compris si vous avez laissé votre imagination rêver à des supplices cruels et dégradants pour la gêneuse, vous finirez par vous dire "mais bon Dieu c est bien sur..." et aller trouver votre banquier.
Cela dit, ces appels proposant ce genre de services fleurissant, ou plutôt sévissant toujours à la même période de l'année (avant les déclarations), on peut légitimement se dire que le gâchis est considérable...
@mixlamalice: D'accord quand il s'agit de problèmes compliqués ou exigeant des questions-réponses, mais s'il s'agit de dire « veuillez joindre une photocopie de XXX »... Et surtout je trouve curieux de dicter une adresse mail par oral : c'est source d'erreurs de transcription.
@Régis: Ma banque s'adresse en priorité aux enseignants du primaire et du secondaire, qui, a priori, aux heures de bureau, risquent fort d'être en cours et de ne pas apprécier un appel de portable (parce qu'on peut vouloir avoir un portable pour les urgences sans pour autant qu'on vous appelle pour le tout-venant). Même quand on est au bureau, on n'apprécie pas forcément d'être interrompu...
S'agissant du choix du fax par rapport au mail: le fax présente-t-il une sécurité un peu supérieure, est-il plus difficile à intercepter ? (je parle bien sûr de communications non chiffrées: j'imagine que les mails sont plus faciles à chiffrer que les fax ?)
@SB: Tout dépend du modèle d'attaquant. Le problème de sécurité principal du courrier électronique, à mon avis, n'est pas l'interception directe (tant que l'on ne passe pas par des wifi publics sans utiliser de connexion sécurisée), mais la flexibilité des systèmes clients (ordinateurs personnels et smartphones), qui peuvent faire tourner quantité de logiciels espions et virus.
De toute façon, là on ne parlait pas de documents secrets pouvant intéresser des services spécialisés.
Parce que l'oral permet de travailler l'affectif et l’impulsivité alors que l’écrit donne le temps de la réflexion.
La version web de ceci est le bouton "one-click-purchase' d'amazon.
@DM: de façon générale, je trouvais que le message du billet "le téléphone c'est souvent inutile, le mail c'est génial", ne correspond pas à mon impression. Dans mon cadre pro, il y a (beaucoup) trop de mails, et probablement parfois pas assez de téléphone.
Après, pas grand monde n'a mon numéro de portable, j'ai un tél de 2004 et un forfait rikiki, je ne connais pas moi-même mon numéro de fixe qui était dans le pack tout compris quasi-obligatoire aujourd'hui, donc d'un point de vue perso je ne suis pas très emmerdé.
@mixlamalice: Mon message est qu'appeler quelqu'un et lui laisser un message qui se contente de lui demander de rappeler, tout ça pour au final lui dire de scanner une paperasse et de l'envoyer par mail, est contre-productif, de même que déranger quelqu'un sur son portable alors qu'il est occupé, pour une affaire totalement non urgente.
Je cite la première et la dernière phrase:
"Je suis parfois surpris de l'insistance avec laquelle certains interlocuteurs se servent du téléphone et non du courrier électronique.
La téléphonite, cette maladie du monde moderne, a encore de beaux jours devant elle."
Je comprends que c'est la thèse:
Ensuite (et ce que tu me dis dans le message 12), ce sont des exemples.
@mixlamalice et David
Un bon exemple des difficultés de compréhension liées à la communication asynchrone et écrite...
Tout cela ne serait pas arrivé avec une communication orale et synchrone, comme un bon coup de téléphone par exemple ;-)
(et je suis probablement dans la catégorie des importuns, faisant à la fois partie 1) de ceux qui laissent traîner des requêtes par mail 2) et de ceux qui appellent pour éviter le problème des pénibles qui laissent traîner des requêtes par mail).
Au sein d'une entreprise, la mailite est un véritable fléau. Il s'agit de faire le maximum pour se décharger des responsabilités. Tu me donnes un ordre, un conseil, une recommandation ? Envoie un mail, et si ça tourne mal, je te renvoie la patate chaude. Et pas de mail, pas d'action. Assumer des responsabilités, prendre des initiatives, c'est fini. Toute idée, action, doit être validée par quelqu'un d'autre qui devra en assumer la responsabilité en cas d'échec (mais pas en cas de succès, hein, parce que quand ça marche, c'est celui qui fait qui profite, pas celui qui assume les merdes).
Entre la téléphonite qui n'est "que" une nuisance sonore, et la mailite et son immobilisme et sa déresponsabilisation, je choisis la téléphonite sans aucune hésitation.