Les sites de corrigés
Par David Monniaux le dimanche, mars 25 2012, 15:55 - Société - Lien permanent
Je lis ces paroles d'un professeur sur le site de TF1, à propos des sites vendant en ligne des corrigés de devoirs : « Je ne comprends pas pourquoi le législateur ne les interdit pas. »
J'aimerais que l'on m'explique comment le législateur pourrait interdire des sites de diffusion de corrigés, mais pas la vente en librairie d'ouvrages de préparation aux examens et concours, qui présentent eux aussi des corrigés. Qui plus est, en matière de publication, la règle est la liberté d'expression ; les restrictions à celle-ci doivent être justifiées par des impératifs importants (protection des personnes, etc.), dont à mon avis la commodité de travail des professeurs de lettres ne fait pas partie.
Je crois que nous avons un magnifique exemple d'un problème récurrent en France disons depuis une dizaine d'années : devant un fait social gênant, on envisage une loi de prohibition ad hoc, en oubliant que la loi est un instrument lourd et rigide. Une interdiction, cela veut dire des moyens pour la faire appliquer (fermeture administrative de sites, sanctions pénales), des contournements (hébergement à l'étranger), du contentieux, éventuellement des situations choquantes quant la loi pourrait s'appliquer à ce qu'elle n'était pas censée initialement viser.
Quelques exemples :
- Des parlementaires ont un temps envisagé d'interdire, sous peine de prison, l'apologie de l'anorexie... jusqu'à ce que l'on fasse remarquer que les sites pro-anorexie sont généralement tenus par des anorexiques, qui sont des malades qu'il faut traiter et non des criminels qu'il faut enfermer en prison.
- On a voulu interdire happy-slapping par un article de loi écrit de façon tellement vague qu'il pourrait interdire à des citoyens de diffuser des images de violences policières afin de susciter un débat public autour de celles-ci.
Bref, on attribue à la loi une sorte de vertu performative : il suffirait, au vu d'un problème social, d'interdire certaines de ses manifestations ou certains de ses instruments, et il disparaîtrait. C'est ainsi qu'on a voulu éradiquer l'alcoolisme au États-Unis en votant un amendement constitutionnel instaurant la Prohibition ; on n'a juste pas vu que cela stimulerait les trafics et qu'on établirait ainsi durablement le banditisme...
PS : Question subsidiaire. Habituellement, pour payer en ligne, il faut une carte bancaire ou une carte de crédit (en tout cas pas une simple carte de retraits). Je croyais qu'on ne délivrait pas celles-ci aux mineurs ? Dans ce cas, sont-ce les parents qui achètent ces corrigés ?
Commentaires
Si la réaction est un peu forte, le débat au fond me parait des plus pertinents.
Plus tôt que d'aller sur une chaine TV, j'ai préféré aller à la source pour comprendre le point de vue de l'enseignant et j'y adhère complètement, moi-même confrontée au problème à la maison.
http://www.laviemoderne.net/lames-d...
http://www.laviemoderne.net/clapoti...
s/disons depuis une dizaine d'années/depuis toujours/
Disons ce qui est ;)
@fultrix: Les sites de corrigés posent certes un problème. J'ai moi-même été jadis confronté à un étudiant remettant un projet fait par quelqu'un de bien plus avancé que lui (et dont il ne pouvait commenter la moindre partie) ; plus récemment, on m'a demandé si je ne pouvais pas mettre à disposition la version intégrale d'un logiciel dont j'avais publié en ligne une petite fraction comme corrigé d'un examen...
Reste qu'une interdiction par voie législative me paraît être le marteau-pilon pour enfoncer un clou. Qui plus est, comment condamner ces sites tout en acquiesçant à la publication de livres comportant des corrigés-types, livres d'ailleurs généralement rédigés par des enseignants ?
La sanction de celui qui achète un corrigé a lieu lors du devoir sur table. N'ayant pas l'habitude de se poser les bonnes questions, il devrait échouer. Et s'il n'échoue pas, tant mieux, cela veut dire qu'il n'avait pas besoin de faire ces travaux à la maison pour atteindre le niveau demandé.
Evitons les lois qui ne s'appliqueront pas.
@kuuk: Il paraît que, maintenant, ils utilisent leurs téléphones portables pour accéder à ces sites alors qu'ils sont en devoir surveillés.
Il est censé y avoir un prof dans la salle non ?
De plus, soit le texte est original et le correcteur en ligne ne peut pas faire la correction instantanée, soit c'est un classique et un copier / coller d'une correction existante se ferait remarquer assez facilement il me semble.
À ranger au rayon «solutions magiques». Sauf que là, ces solutions sont en grande partie créées et promues par les politiques, sans arrière plan de fiction (faut dire que les anorexiques dans un film d'action, ça ne marche pas) ni de divertissement.
@kuk : Avez-vous déjà surveillé un examen ? On ne peut pas avoir les yeux partout à la fois, et il n'est pas très difficile de cacher le téléphone à l'arrivée du prof.
D'autre part, ils peuvent avoir téléchargé préalablement des corrigés sur leur iPod nano, et l'avoir maquillé en montre: http://store.apple.com/fr/product/H...
@Nicolas Couchoud: Plus, si tu prends un élève en train de tricher, que fais-tu ? En théorie, à l'université, on doit renvoyer en formation disciplinaire, qui peut prononcer une sanction éventuellement très élevée (interdiction de passer un diplôme national pendant plusieurs années). En pratique, j'ai cru comprendre qu'on évitait de faire cela...
Note : si on veut que les sanctions soient efficaces, il faut qu'elles soient appliquées rapidement, à peu près à coup sûr, et soient dissuasives (mais pas forcément très lourdes)...
Pour la qurdtion du paiement des corrigés, peut-être que certains sites se font payer par des SMS surtaxés (et j'imagine que la plupart des lycéens a un téléphone portable de nos jours).
Je découvre la "suite" du billet et constate qu'aucune réponse n'est apportée aux critiques de fond que DM et d'autres (dont moi) ont rédigé à l'attention de l'auteur du mauvais canular. C'est insultant, surtout quand l'auteur remercie ses soutiens et range tous ses critiques dans le même sac. Mais quelque part, je m'y attendais.
@Fr: J'ai même l'impression qu'il m'englobe dans ceux qui suggèrent qu'il devrait donner des textes plus au goût du jour, comme si je suggérais l'étude des textes d'un rappeur à la mode.