Enseignants polymorphes
Par David Monniaux le vendredi, juin 10 2011, 07:58 - Enseignement - Lien permanent
Après les pervers polymorphe, l'enseignant polymorphe : un ami, ingénieur de l'EPFL, docteur en informatique (enfin, dans une spécialité assez particulière de l'informatique, avec un aspect assez mathématique), est employé par une école suisse pour enseigner à des adolescents l'histoire, la géographie, le français, la citoyenneté.
En théorie, il devrait aussi donner des cours d'informatique, mais on lui a vite fait comprendre qu'il s'agissait de leur montrer le maniement de base d'un ordinateur personnel et de logiciels de bureautique (chose que d'ailleurs bon nombre d'élèves connaissent de toute façon).
Je ne sais pas trop ce qu'il faut en conclure, si ce n'est qu'à l'évidence, enseigner au niveau collège ne demande pas un niveau bac+5 dans la discipline enseignée : visiblement, il suffit, dans les disciplines « littéraires », de savoir écrire avec une grammaire et une orthographe correctes, d'avoir des balises culturelles et un peu de rigueur, compétences qui normalement sont sanctionnées par le baccalauréat (sauf que, de nos jours, on donne celui-ci à des gens dont l'expression écrite leur aurait jadis valu refus du certificat d'études). Le problème est un peu différent en disciplines scientifiques, vu qu'il est possible d'obtenir le baccalauréat en manquant totalement des bases en mathématiques et en physique ; mais là encore, le niveau nécessaire n'est pas énorme : une amie étudiante en géographie (après un baccalauréat scientifique, tout de même) fait des cours de rattrapage en mathématiques à des collégiens, sans problème.
Il semble que le plus important soit la pédagogie, le contact avec les élèves et la capacité à les discipliner, toutes choses difficiles, non maîtrisées par tous les diplômés, et absolument pas mesurées par les concours de recrutement de l'Éducation nationale.
Ceci pourrait également nous amener à réfléchir à l'opportunité d'exiger un master bac+5 pour pouvoir passer le CAPES, destiné notamment à l'enseignement en collège : je doute fortement, par exemple, qu'il faille maîtriser la théorie de Galois pour enseigner les divisions en sixième (car les opérations de base ne sont plus maitrisées en sortie d'école primaire). On nous parle de master en éducation : que l'on me permette un certain scepticisme quand à la capacité française à enseigner des méthodes concrètes et pratiques pour enseigner, au vu du type d'enseignement qui était naguère prodigué dans les IUFM et CIES (évidemment, tout n'était pas mauvais, mais il semble qu'une bonne partie l'était).
Commentaires
Bah. Il y a beaucoup de scientisme là-dessus. Le fait est que si on a des indicateurs qui peuvent signifier a posteriori les performances des enseignants, on n'a jamais encore réussi à faire une sélection a priori qui soit corrélée avec ces indicateurs.
Après, je m'en veux toujours d'amener ce genre de trucs sur le tapis, parce que j'ai jamais noté mes références, et donc je suis incapable d'en fournir (je devrais pourtant avoir ce réflexe…). Mais bon, il reste que la sélection des enseignants n'a pas, à l'heure actuelle, de méthode meilleure que le hasard, et que prétendre former les enseignants à l'enseignement est du whishful thinking au mieux.
@Arnaud Spiwack: Donc en fait la bonne méthode est de les prendre à l'essai et de virer ceux qui ne conviennent pas ? Mais comment les évaluer ?
Il me semble que la méthodologie standard consiste à agréger des indicateurs de succès des élèves en terme de notes avec l'enseignant et dans les années suivantes. C'est ce que j'ai cru comprendre du moins. Mais franchement, je crains que ça ne fonctionne que si les profs ne sont pas évalués en fonction de ça (cf. les soucis avec les tests standards aux États-Unis).
L'un dans l'autre, c'est un problème difficile à aborder avec humilité. Mais ce n'est pas un trait qui caractérise très bien les décideurs.
@Arnaud Spiwack: Problème classique — quand on se met à évaluer les gens sur un critère, même si celui-ci était représentatif de ce que l'on veut réellement optimiser, ils se mettent à optimiser le critère et non l'activité désirée.
Exemples:
Les gardes à vue représentent un indicateur de l'activité d'enquête — mais si on évalue les policiers au pro-rata des gardes à vue, ils vont mettre en garde à vue des gens pour qui cela n'est pas utile aux enquêtes, afin de faire monter les statistiques, au détriment de leur efficacité globale.
Les publications d'articles représentent un indicateur de l'activité de recherche scientifique — mais si on évalue les scientifiques au pro-rata des publications, ils vont saucissonner leurs découvertes en une série d'articles incrémentaux et parfois sans grand intérêt, au détriment de la clarté des résultats et de l'efficacité de la communauté scientifique.
A mon sens, un Bac+5 n'a aucun intérêt pour un prof jusqu'au lycée inclu. Je dirai même que pour enseigner au primaire, le bac devrait être suffisant (avec 1 à 2 ans de **vraie** formation de prof, pas du pipotron d'IUFM tel que décrié par de nombreux profs) et une licence pour le lycée. Mais bon, comme vous le dites, le niveau d'orthographe ou en sciences même dans le supérieur est tellement minable qu'on en vient à exiger des surdiplômés par rapport au travail à faire...
En tant que patron d'une PME, je peux dire que je sais bien qu'un diplôme Bac+n ne me dispensera pas d'une formation au métier de ma boite (informatique dans mon cas).
excusez moi pour le formatage zarbi, j'ai pas compris ce que j'ai fait de mal;