Dictionnaire des idées reçues à l'usage des jeunes nantis
Par David Monniaux le mardi, février 22 2011, 08:59 - Lien permanent
Les élèves de l'École polytechnique, du moins ceux arrivant via le premier concours (élèves français et étrangers francophones disons), effectuent en première année un stage de formation humaine et militaire. En effet, les élèves français de l'X sont élèves officiers de réserve ; il est donc normal qu'ils suivent une formation militaire. Pour les étrangers, il s'agit bien sûr de services civils. Ces stages font l'objet d'une soutenance devant un jury composé d'un officier et d'un membre du corps enseignant, où l'élève doit détailler les enseignements humains qu'il a tiré de son activité. J'ai fait partie de tels jurys il y a quelques années.
Un élève étranger, visiblement d'une famille bourgeoise du Maghreb, avait effectué son service civil comme assistant d'éducation dans un collège en zone difficile. Lors de sa soutenance, il s'est montré étonné par la démobilisation ou du moins le manque d'enthousiasme du personnel enseignant, qu'il jugeait sévèrement. Il admettait que la situation était difficile, mais, disait-il, « ils ont été formés pour cela ».
Il a fallu que l'officier et moi-même lui expliquions qu'il n'avait pas dû beaucoup se renseigner, car en France, les enseignants ne sont pas franchement formés pour gérer les problèmes sociaux. Qui plus est, il a été difficile de lui faire comprendre qu'il est compréhensible que des enseignants plus âgés que lui, peut-être avec des charges de famille et d'autres soucis, avec la perspective de rester encore des années dans une zone pourrie, et qui ont déjà subi la situation pendant des années, soient moins enthousiastes qu'un jeune homme sans soucis, qui sait qu'il ne reste que six mois avant de partir pour une formation qui, sauf accident, lui garantit un poste bien rémunéré et une situation sociale enviable.
Moralité : quand on a 20 ans, des parents riches, pas de soucis, il est facile d'expliquer que les problèmes sociaux, c'est un manque de volonté.
(Je vous rassure, dans la même session, nous avons eu droit à des analyses un peu fines de la situation à la Réunion et Mayotte par un élève ayant fait son service dans un régiment du service militaire adapté.)
Commentaires
"Moralité : quand on a 20 ans, des parents riches, pas de soucis, il est facile d'expliquer que les problèmes sociaux, c'est un manque de volonté."
Ca marche aussi à 30 ou 40, quand on a des parents ou un conjoint riche ou une belle situation obtenue grâce à un beau diplôme et quelques relations, qu'on a quitté le F5 de papa-maman pour celui qu'on vient d'acheter dans un beau quartier...
Le vieux nanti n'est souvent qu'un jeune nanti qui a quelques années de plus (surtout depuis que l'ascenceur social est bloqué à la cave).
Inversement, il y a aussi le cas où le jury reproche quasiment à l'élève de ne pas s'être fait le héraut de la contestation sociale pendant son stage ouvrier (En Espagne, précisons-le). J'exagère? A peine...
En l'espèce, le jury reprochait à l'élève des jugements assez condescendants sur une situation qu'il ne connaissait pas alors que sa mission était justement entre autres de comprendre les situations humaines en jeu et qu'il aurait pu se renseigner.
"des jeunes gens, disons de sensibilité de droite, sûrs de leurs analyses et droits dans leurs bottes"
Pourquoi cette focalisation sur les forumeurs de droite ? Les forumeurs de gauche, par exemple, ne sont pas réputés pour leurs capacités d'analyse.
Tout simplement parce qu'ils n'ont pas le même genre de clichés, qui ne peuvent être valablement illustrés par cet exemple.